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Coopérative : 5 étapes à suivre pour transférer votre entreprise à vos employés
Vous songez à vendre votre entreprise ou à prendre progressivement votre retraite? Saviez-vous que votre équipe pourrait reprendre collectivement l’entreprise? En effet, un transfert de l’entreprise à vos employés, sous forme de coopérative, pourrait s’avérer une solution profitable pour tous.
Pour illustrer la situation en cinq étapes, voici le récit de la vente du Central Café, dont la pérennité repose désormais sur une équipe d’employés tissée serrée.
En 2014, Jean-Yves Beaulieu, le propriétaire du Central Café à Rimouski, s’est fait présenter le modèle coopératif comme solution à son enjeu de relève. M. Beaulieu songeait à prendre sa retraite et à vendre son restaurant, établi depuis une vingtaine d’années, sans avoir déterminé une relève au préalable. Face aux nombreuses façons de transférer son entreprise et aux différents modèles de coopératives, il a opté pour le rachat de l’entreprise par une coopérative gérée par les travailleurs. Une solution toute naturelle selon lui, puisque bon nombre d’employés étaient au service de l’entreprise depuis 10, et même, 20 ans.
Les motivations des employés et du propriétaire cédant ont vite convergé. Pour les salariés, il s’agissait de pouvoir « acheter » son travail et de conserver le café tel qu’il était. Le propriétaire cédant, quant à lui, souhaitait conserver l’essence du café et assurer la continuité du projet qu’il avait mis sur pied. « Nous souhaitions que le Central Café reste le Central Café », explique Nancy Dubé, directrice générale et membre de la coopérative.
1) Estimer la valeur de l’entreprise
Pour qu’une transaction puisse se réaliser, les parties doivent s’entendre sur le prix de vente de l’entreprise et sur le type de transaction envisagé : les repreneurs procèderont-ils à l’achat des actions ou des actifs? « C’est le même principe que pour l’achat d’une maison : chaque partie propose un prix, et on négocie ensuite », constate Steve Boucher, président du conseil d’administration de la coopérative.
L’intervention d’experts dans le dossier est primordiale pour partir du bon pied. Dans le cas du Central Café, un évaluateur a procédé à l’évaluation de la valeur marchande de l’entreprise pour établir la base de la négociation. Un inspecteur en bâtiment a également procédé à l’évaluation du bien immobilier.
2) Évaluer l’équipe de repreneurs
« Il est important que les repreneurs se connaissent bien et qu’ils manifestent le désir de relancer l’entreprise, de s’y investir et de la gérer au quotidien. Ils doivent également développer des compétences en gestion », explique Isabel Faubert Mailloux, directrice générale du Réseau COOP, la fédération des coopératives gérées par les travailleurs qui accompagne les entrepreneurs coopératifs depuis plus de 30 ans. En effet, les employés impliqués dans l’achat de l’entreprise doivent posséder des expertises complémentaires puisqu’ils porteront plusieurs chapeaux. Par exemple, chez Central Café, en plus d’assurer le bon fonctionnement du restaurant, chacun des employés membres de la coop participera aux tâches liées à la gestion de l’entreprise.
3) Établir les options de financement
Les salariés craignent souvent de ne pas être en mesure de réunir la mise de fonds personnelle requise pour financer la transaction nécessaire à la relève de l’entreprise. Il leur est pourtant possible d’obtenir un prêt remboursable par l’entremise de déductions salariales. Rappelons-nous que collectivement, les travailleurs ont un plus grand pouvoir d’investissement qu’un seul repreneur; ils ont accès à des programmes spécifiques de financement.
Dans le cas du Central Café, cinq partenaires financiers ont contribué au projet, pour un financement d’environ 950 000 dollars. « Nous n’avons déboursé qu’un apport total de 5 000 dollars répartis entre les 15 membres pour compléter la mise de fonds », dit Nancy Dubé. Par ailleurs, les travailleurs investissent aussi 7 % de leurs paies dans l’entreprise chaque année, ce qui permet une saine capitalisation.
Pour compléter leur mise de fonds, les travailleurs peuvent trouver de l’aide auprès d’institutions financières qui offrent des prêts non garantis ou du capital sous forme de parts privilégiées. « La capitalisation en parts est favorisée dans la mesure où elle permet de bonifier le bilan de la coopérative », précise Yvon Létourneau, directeur investissement, coopératives chez Desjardins Capital. Ajoutons aussi que lors du financement d’une coopérative, les institutions n’exigent pas de garantie personnelle. La prise de risque est plutôt tributaire des actifs de l’entreprise et de la qualité des repreneurs.
4) Mettre à jour le plan d’affaires
Le plan d’affaires et le montage financier évoluent au gré de l’avancement du dossier. Ils doivent être mis à jour en fonction de la valeur estimée de l’entreprise et des recommandations effectuées par les différents partenaires financiers. Il est également important de les actualiser sur une base régulière afin de s’assurer de la capacité de l’entreprise à répondre aux fluctuations de son environnement, tels l’arrivée de nouveaux concurrents ou l’avènement d’une crise sanitaire.
Ainsi, certains partenaires financiers proposent des recommandations personnalisées aux entrepreneurs afin de les aider à adapter leur modèle d’affaires aux besoins du marché. « Nos partenaires nous ont accompagnés durant cette période pour nous permettre de prendre des décisions éclairées. Notre relation n’est pas uniquement liée aux aspects financiers. Ce rôle-conseil a été apprécié, particulièrement pendant la pandémie », ajoute Steve Boucher.
5) Accompagner les repreneurs
Le transfert de connaissances du cédant est un important facteur de réussite. Dans le cas du Central Café, le propriétaire a poursuivi son implication dans la nouvelle coopérative à raison d’une dizaine d’heures par semaine pendant deux ans. Cela a notamment permis à la nouvelle directrice générale de parfaire ses connaissances et d’assurer la poursuite des activités de l’entreprise en toute confiance.
Nul besoin d’être un entrepreneur-né ou un gestionnaire aguerri pour reprendre une entreprise via le modèle coopératif. Tous les salariés peuvent apprendre à devenir des gestionnaires, des entrepreneurs et des coopérateurs grâce à l’écosystème d’accompagnement coopératif étoffé du Québec, dont fait partie le Parcours COOP, qui favorise le développement de ces aptitudes chez les travailleurs membres.
Le transfert d’entreprise aux travailleurs en mode coopératif peut s’avérer une solution profitable pour toutes les parties. Jean-Yves Beaulieu peut en témoigner. Aujourd’hui, il observe fièrement le Central Café poursuivre ses activités et demeurer un acteur économique de la région, au grand plaisir des clients et des employés. Les repreneurs, de leur côté, ont désormais la chance de se réaliser dans un rôle élargi; tous se mobilisent pour atteindre les objectifs fixés.
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